La Mongolie, futur émirat des steppes
C’est le futur «émirat des steppes». La Mongolie est au seuil d’une des plus fulgurantes transformations qu’un pays ait jamais connues, avec un incroyable «boom minier» attendu dès 2013. Dans ce pays grand comme trois fois la France, moins de trois millions d’habitants sont assis sur un tas d’or. La Mongolie sera peut-être un émirat est-asiatique, mais un émirat sans émir. Dans un environnement régional où la démocratie peine à fleurir, le pays a un régime parlementaire dont il n’est pas peu fier. «Cela ne fait que 22 ans que notre démocratie existe, et elle a ses insuffisances comme la corruption, mais elle progresse et la tendance est irréversible», assure Jargalsaikhan Dambadarjaa, l’analyste économique vedette du pays.
Si l'image de la Mongolie est celle d'une terre d'éleveurs et d'agriculteurs, les ressources du pays résident en réalité davantage dans son sous-sol. Au sein d'immenses mines à ciel ouvert qui creusent le désert de Gobi, ce pays, grand comme trois fois la France, dispose non seulement d'assez de charbon pour alimenter l'énorme demande de la Chine dans les cinquante prochaines années, mais aussi de vastes trésors de cuivre, d'or, d'uranium et autres minéraux que le monde entier convoite. Au point d'attirer massivement les investisseurs étrangers, sous la pression de ses deux puissants voisins, Pékin et Moscou.
Un pays en tenaille entre la Chine et la Russie
Jeunesse dorée et bidonvilles
Un pays en tenaille entre la Chine et la Russie
Gâtée par la géologie, la Mongolie l’est un peu moins par la géographie, puisque totalement enclavée. Entre deux poids lourds, la Russie et surtout la Chine, qui fait porter une ombre immense sur Oulan-Bator. Quelque 90 % des exportations mongoles se font à destination de la Chine. L’an dernier, la Mongolie est devenue le 1er fournisseur de charbon de la Chine, passant devant l’Australie. Il faut dire que Pékin achète aux Mongols entre 30 et 40 % en dessous des prix du marché. Le ressentiment populaire monte aussi contre l’afflux d’ouvriers chinois sur les chantiers de construction.
Au printemps, la tentative de rachat par le chinois Chalco des houillères de SouthGobi a été un choc national. Toutefois, la marge de manœuvre du gouvernement reste faible. Sans l'aide étrangère, qui se chiffre en milliards de dollars, les mines resteraient en effet inexploitées. La Mongolie se sait en outre vulnérable au quasi-monopole de Pékin sur ses exportations (90 %), au point d'avoir accepté une réduction de 30 % sur ses produits miniers par rapport aux prix du marché. Et si Oulan-Bator s'est récemment tourné vers les Etats-Unis pour diversifier ses clients, l'enjeu de la protection de ses ressources et de sa souveraineté reste le même tant les Américains, à l'instar des Russes ou des Chinois, sont d'intenses consommateurs d'énergie.
Ce qui se passe en Mongolie est unique dans l’Histoire, confie Jan Hansen,chef économiste de l’Asian Development Bank, on n’a jamais vu un pays connaître un tel bouleversement en aussi peu de temps. La croissance a bondi à 17,5 % l’an dernier, et devrait grimper à 20 % l’an prochain. En 2005, le PIB par habitant était de 700 dollars, et il est déjà monté à 3 000 dollars. Il devrait doubler tous les deux ans. Les grandes enseignes de luxe, de Louis Vuitton à Ermenegildo Zegna, ont fait leur apparition dans la capitale aux rues encore défoncées et boueuses. Mais cette folie a aussi apporté avec elle une inflation galopante, qui a atteint 16 % en avril, et creuse un abyssal fossé social. Le grand risque vient de la dépendance à l’excès de la ressource minière, qui représente 90 % des exportations et 30 % des revenus du pays. On sait que les pays ainsi dépendants progressent moins vite que les autres. Et le secteur est peu créateur d’emplois, avec seulement 1,6 % de la population y travaillant.
Néanmoins, cette course à l'exploitation du sous-sol n'est pas sans poser de problèmes. Au-delà de la question de la pollution liée à l'intense extraction minière, cadet des soucis d'un pays qui cherche à se développer économiquement, le principal enjeu se révèle être la répartition des richesses produites. Car si la Mongolie est assise sur cette manne fantastique qui représente un tiers de son PIB, 30 % de sa population vit en-dessous du seuil de pauvreté. L'an dernier, l'investissement étranger n'a profité qu'à une faible minorité des 2,8 millions de Mongols tandis que des fortunes colossales s'édifiaient. La frustration et l'irritation se sont alors fait sentir au sein de la population. Et face à l'appétit croissant des entreprises étrangères, le gouvernement a dû adopter en urgence une loi qui limite à 49 % l'investissement étranger dans trois secteurs stratégiques, les mines, les banques et les télécommunications.
Les immenses ressources minières âprement convoitées
Deux sites géants devraient à eux seuls assurer la fortune du pays pendant des décennies. Le premier, Talvan Tolgoi (littéralement "les cinq collines"), est le plus grand gisement de charbon de haute qualité au monde avec plus de 7 milliards de tonnes de réserves. Cette mine, située à seulement 200 km de la frontière chinoise, doit pouvoir alimenter les sidérurgistes – chinois essentiellement – pendant deux siècles, selon le quotidien français. L’an dernier, la Mongolie est ainsi devenue le premier fournisseur de charbon de la Chine, passant devant l’Australie. Trois groupes sont sur la brèche pour exploiter Talvan Tolgoi : l'entreprise d'Etat chinoise Shenhua Energy, le géant minier américain Peabody Energy et un consortium russo-mongol.
Avec plus de 7 milliards de tonnes de réserves, cette mine est le plus grand gisement de charbon de haute qualité au monde. Elle devrait pouvoir alimenter les sidérurgistes - chinois essentiellement - pendant deux siècles. Le gouvernement prévoit d’en introduire 30 % en Bourse, à Londres ou Hongkong.
Le second, Oyu Tolgoi ("la colline turquoise"), est une immense mine renfermant les plus grandes réserves au monde de cuivre et d'or : 36 millions de tonnes de cuivre et 1 275 tonnes d'or selon les estimations. La production sur le site, détenu à 66 % par le groupe canadien Ivanhoe (contrôlé par le mastodonte anglo-australien Rio Tinto) et à 34 % par le gouvernement mongol, doit démarrer début 2013, avec un objectif de 450 000 tonnes de cuivre par an et 10 000 kg d'or.
L'exploitation de ces colossales réserves devrait être à l'origine du grand "boom minier" attendu pour 2013, qui pourrait changer la face du pays. Déjà l'an dernier, l'investissement étranger a quadruplé à 4 milliards d'euros, faisant bondir la croissance à 17,3 % contre 6,4 % en 2010. Et la tendance devrait se poursuivre, avec des prévisions de 20 % de croissance pour l'an prochain et un PIB qui doublerait tous les deux ans.
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