Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act) :
Le véritable objectif n’est pas fiscal,
Recueillir des informations est une fin en soi
James George Jatras a fondé le site RepealFatca (abrogez Fatca). Cet ancien diplomate américain, de 1979 à 1985, a ensuite fait partie des conseillers de la fraction républicaine du Sénat, spécialisé notamment sur les questions de politique étrangère. Depuis 2002, il est dans le secteur privé, actuellement managing director du Global Strategic Communication Group où il s’occupe des relations avec les gouvernements.
Quand avez-vous fondé RepealFatca?
C’était à l’automne de 2011. J’avais entendu parler de Fatca de la part de collègues allemands et je me suis dit que quelqu’un devait faire sortir l’information sur cette loi illogique et irresponsable. RepealFatca veut promouvoir une meilleure compréhension de Fatca et canaliser les efforts pour créer une plate-forme de lobbying.
Partez-vous seul au combat?
Cette plateforme est mon initiative personnelle. L’objectif est d’une part de faire connaître les problèmes liés à Fatca et, d’autre part, de servir de point de ralliement pour tous ceux qui seront désavantagés par cette loi, c’est-à-dire à peu près tout le monde. En tant que lobbyiste, je vois aussi une opportunité de fournir un service et RepealFatca est aussi ne plateforme pour une campagne médiatique. J’agis par conviction et je n’ai pas de mandat. Pour cela, il faudrait que quelqu’un décide de combattre Fatca, et le seul endroit où il est possible de s’en débarrasser c’est les Etats-Unis. Il y a des gens prêts à dépenser des milliards pour mettre en œuvre Fatca, mais personne ne donne rien pour abolir cette loi.
Quels sont vos relais au Congrès et dans le secteur bancaire?
Je pars au combat avec le sénateur Rand Paul et le représentant Bill Posey. Il y aussi les Credit Unions of North America et le Center for Freedom and Prosperity, un think tank. Dans le secteur financier, il y a quelques banques de Floride et du Texas. Les banques des autres Etats n’ont pas été actives jusqu’à présent. Mais l’Association des banques américaines s’est tout de même manifestée pour s’opposer à la réciprocité avec le Mexique.
Cela paraît peu pour faire bouger un pays comme les Etats-Unis…
A l’étranger, les gens ont l’air de croire que Fatca est pour ainsi dire gravée dans la pierre. Mais aux Etats-Unis, personne ou presque ne connaît cette loi. L’idée est d’informer les gens qui sont touchés, mais ce sera long car nous manquons de ressources, contrairement à ceux qui font la promotion de Fatca, par exemple les avocats qui vendent la soumission à la loi.
Concrètement,que va-t-il se passer?
C’est une course contre le temps. Le Trésor va essayer de faire en sorte que les gens à l’étranger ne comprennent pas que la réciprocité qui leur est promise dans tous les accords conclus, sauf avec la Suisse et le Japon, n’est pas valable. Ils espèrent en multipliant les accords intergouvernementaux pousser le Congrès à autoriser la réciprocité, alors qu’elle ne figure pas dans Fatca. Mais il suffit que le processus ralentisse pour que le processus commence à s’enrayer, d’où l’importance de faire connaître cet enjeu à l’étranger. A l’inverse, les Etats-Unis pourraient abandonner Fatca, comme ils ont dans le passé renoncé à faire partie de la Société des Nations après en avoir lancé l’idée, alors que quelques pays seraient paradoxalement susceptibles d’aller de l’avant en établissant des systèmes sur le modèle de la loi américaine.
Est-ce dans cette perspective qu’il faut expliquer le report de six mois de l’entrée en vigueur de Fatca, au 1er juillet 2014,le deuxième du genre si l’on se souvient que la loi devait initialement entrer en vigueur en janvier 2013?
Oui. La raison en est à l’exact opposé de ce que dit le département du Trésor. Ils avaient annoncé initialement qu’ils auraient 17 accords avec des Etats étrangers signés à fin 2012. A cette date, ils n’en avaient que 4 et maintenant le nombre de ces accords est de 9. Seule l’Allemagne a ratifié l’accord et elle l’a fait alors même que Angela Merkel dénonçait l’espionnage américain. Etrange réaction.
En Europe, l’idée prévaut que FATCA est une échéance inéluctable et qu’elle est soutenue par une majorité du Congrès…
Mais il n’y a pas de majorité au Parlement et le département du Trésor n’a pas les moyens de forcer les banques à accepter la réciprocité. 80% des membres du Congrès et des sénateurs n’ont jamais entendu parler de Fatca, et encore moins de réciprocité. Les gens ne réalisent pas que cette réciprocité signifie: les fonds de pension et les assurances ne savent pas qu’ils seront aussi concernés. Même les sociétés non financières sont touchées par l’obligation d’annoncer les participations de plus de 10%. Au Delaware, il faudrait déjà connaître les propriétaires des sociétés qui y sont enregistrées.
La réciprocité n’est-elle pas inscrite dans les traités conclus par le Trésor avec les autres pays?
On utilise le mot de traités à tort. Le Trésor dit que ce sont des traités, mais ce n’est pas clair. Ces textes n’ont pas été envoyés au Congrès et ne lient pas les Etats-Unis. Une réciprocité pleine et entière devrait être approuvée par les deux chambres, et elle ne le sera pas. Quant à la version minimale de la réciprocité, celle qui se limite aux intérêts bancaires, Bill Posey a introduit un projet HR 2299 qui veut l’abroger. Pour ce qui est de la réciprocité élargie prévue par les accords signés par des pays étrangers avec le Trésor, Bill Posey l’a écrit dans sa lettre au Trésor du 1er juillet, il va tout faire pour la bloquer.
Quelles sont les chances politiques du combat contre FATCA?
Il y a une chance que les Républicains retrouvent la majorité au Congrès en novembre 2014. Au Sénat, les règles sont plus souples et laissent une marge de manœuvre aux sénateurs pris individuellement. C’est par exemple Rand Paul qui bloque la ratification de la convention passée en 2009 entre la Suisse et les Etats-Unis. Le sénateur estime que ce n’est pas conforme au 4e amendement de transmettre des données sur la seule base de soupçons (suspicious activity report). Bien entendu, cette objection s’applique à Fatca qui veut transmettre les données de tout un chacun sans qu’il soit nécessaire pour cela d’avoir fait quelque chose.
Mais l’objectif de conformité fiscale n’est-il pas louable?
Ce qui est recherché c’est l’information, une complète transparence. FATCA devrait rapporter 892 millions par an pendant dix ans, mais les coûts sont eux susceptibles d’atteindre le millier de milliards. C’est comme utiliser une massue pour casser une noix.
Que peut faire la Suisse dans ce contexte? Le Parlement doit ratifier Fatca en septembre…
Le Trésor compte sur le plus grand nombre de ratifications possibles et si un centre financier comme la Suisse ne suit pas, cela aura un grand impact. Je suis en contact avec deux douzaines de parlementaires suisses, mais je ne vous en dirai pas plus. Au Royaume-Uni, des voix s’élèvent pour refuser la ratification de l’accord. Si Londres refuse, l’effet sera dévastateur.
Interview: Mohammad Farrokh/ AGEFI SUISSE 19/7/13 ICI
Choose your social network : click the buttons
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire