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lundi 23 juillet 2012

Chronique des marchés émergents : Chine


A la conquête de l’ouest… chinois

Si John Wayne était né dans les années 2000, il serait chinois. D’abord l’esprit aventurier. Ne comptez pas sur des routes de bonnes qualités si vous voulez quitter l’est, et encore moins sur un train qui parte à l’heure. Il serait également précieux pour approcher les populations locales. En Chine, les Indiens ont laissé la place aux minorités ethniques comme les Ouïghours dans le nord-ouest, ou les Miaos dans le sud-ouest. Enfin, le moral en fer forgé de John Wayne ne sera pas de trop pour s’attaquer aux errements financiers de certaines municipalités chinoises.
© DR
Car oui, la Chine est en train de se lancer à la conquête de l’ouest. Le développement des régions du centre, du nord et de l’ouest chinois figure au coeur de son 12e plan quinquennal 2011-2012. Et les premiers résultats commencent à apparaître. Ces régions continentales, parfois enclavées, où des villes de 30 millions d’habitants dormaient paisiblement, sont en train de connaître des croissances à deux chiffres. 
Voir notre présentation sur la route de la soie et l'Ouest chinois http://scr.bi/Qf3Ymg
A l’heure où l’on glose abondamment sur la fin du “miracle chinois”, de nouveaux eldorados se rappellent à nous. Pour essayer d’y voir plus clair, je me suis replongé dans l’histoire de la croissance chinoise. Après cette courte plongée historique, je vous conseillerai les secteurs qui profiteront de cette nouvelle ruée vers l’ouest.
L’Asie joue au billard depuis 40 ans

L’Asie est la seule région où des pays ont réussi sur les 50 dernières années à se hisser aux niveaux de richesse des pays développés. Cette croissance a été construite sur un facteur en particulier : le coût du travail.
Je suis arrivé en Chine en apportant avec moi les mémoires de Zhao Ziyang. Cet homme politique a été Premier ministre pendant les années 1980, période où s’est construite la croissance chinoise. Economiquement (et politiquement) libéral, il avait la confiance du père du modèle chinois actuel, Deng Xiaoping.
Un chapitre entier est consacré aux premières années de son gouvernement. L’ancien Premier ministre explique qu’historiquement, les pays développés ont été amenés à déplacer leurs industries vers les régions où le coût du travail était faible. Voici ce qu’il écrit : “du point de vue asiatique, ce sont d’abord les Etats-Unis qui ont délocalisé leurs industries à main-d’oeuvre vers le Japon [...] Puis les Etats-Unis et le Japon ont délocalisé une partie de leurs industries de fabrication vers les “quatre petits dragons” (Taiwan, la Corée, Hong Kong et Singapour), qui se sont développés à leur tour. Le mouvement s’est ensuite déplacé vers les pays de l’ASEAN” (Malaise, Indonésie, Philippines, Singapour, et Thaïlande).
Et le Premier ministre chinois continue en expliquant que ce mouvement “n’allait pas s’arrêter, et qu’il représentait une occasion à saisir”. La Chine l’a saisi, et a vu son PIB être multiplié par 18 entre 1980 et 2010.
Aujourd’hui, le phénomène se déplace à nouveau. Non pas vers un autre pays, mais vers l’ouest du pays.
La croissance n’est pas à gauche, elle est à l’ouest !

Le balancier est en train de s’inverser entre l’est et l’ouest. Alors que les régions du Guangdong, le Jiangsu et le Zhejiang, toutes à l’est, ont connu une croissance de 10% en 2011, une ville comme Chong Qing, au centre, a connu 16,4% de croissance.
30 ans après, le centre est ainsi en train de reproduire le modèle de croissance des régions côtières. C’est vers ces régions que convergent actuellement les industries textiles ou de la petite électronique, industries grosses consommatrices de travail.
Comme il y a 30 ans à l’est, les besoins en matières premières, infrastructures, transports sont encore énormes. Et ceux-ci restent encore largement ignorés. Danny Quah, professeur d’économie à la London School of Economics, soulignait en mars dernier que “beaucoup d’étrangers qui admirent les hauts gratte-ciels des villes de l’est ne savent pas que certains villages éloignés dans l’ouest de la Chine n’ont pas de connexion avec le réseau routier ou au réseau d’électricité“.
Ce développement va rapidement attirer les multinationales qui, il y a 30 ans, se sont ruées le long du littoral chinois.
Trois secteurs en particulier profiteront de cette croissance à venir de l’ouest.

General Steel Holding

La semaine dernière, j’ai rencontré un des dirigeants d’une importante compagnie chinoise d’acier cotée sur le NYSE, General Steel Holding. Pour John Chen, son directeur financier, il n’y a pas de doute, l’avenir de l’acier n’est plus à l’est.
Comme il me l’explique, les villes qui connaissent les plus fortes croissances actuellement sont “Xi’an, Cheng Du, Chong Qing… et même des villes de deuxième catégorie comme Yulin ou Erdos“. Toutes sont situées au centre, à l’ouest ou au nord du pays.
Poids plume par rapport aux géants que sont Baosteel, General Steel a pourtant réussi à tirer son épingle du jeu. Comme il me l’explique, “nous avons formé une joint-venture avec Shaanxi Longmen Iron & Steel et Shaanxi Coal [le Shaanxi est une des importantes régions charbonnières] afin d’être capable de fournir les marchés des régions du centre“. General Steel s’est ainsi rapproché des nouveaux centres de croissance de la demande d’acier.
Car c’est bien la construction qui va profiter en premier lieu de la croissance de ces régions. Et dans son sillage, c’est le marché du fer, absorbé à 40% par le bâtiment, qui va repartir.
L’ouest construit désormais en dur

Alors que le marché de l’acier a reculé ces six derniers mois, les analystes s’attendent à une reprise cet été. Ce rebond sera notamment soutenu par l’avancée de plusieurs travaux d’infrastructures dans ces régions.
Cet optimisme sur le marché de l’acier est partagé par exemple par le centre d’analyse Gavekal. Celui-ci indique que “l’immobilier soutiendra la demande d’acier dans les trois prochains mois. Cela indique que la demande touchera un point bas par rapport à l’an dernier à la mi-2012, et connaîtra 15% de croissance en fin d’année”.
Corrélation des ventes immobilières et de la demande d’acier

Sur le graphique ci-dessus, la ligne rouge fait apparaître la demande prévisionnelle et vous constatez qu’elle se redresse pour la fin de 2012.
Et dans les années à venir, un deuxième secteur lié aux métaux reprendra du tonus, l’exploitation minière.
La Chine met en valeur ses ressources minières

“Vampire du milieu” pour certains, la Chine n’est en pas moins bien dotée en ressources naturelles. Le problème, c’est que ces ressources sont difficiles d’accès. Les régions minières sont pour la plupart situées à l’ouest, dans des espaces montagneux ou désertiques.
C’est pourquoi le développement de l’ouest va permettre de désenclaver ces zones. Le gouvernement a ainsi lancé en 2011 un vaste plan de mise en valeur des ressources minières. D’ailleurs, le gouvernement n’a pas le choix. Le ministère des Terres et Ressources vient d’annoncer que sur 45 métaux analysés, la Chine pourrait avoir des difficultés d’approvisionnements pour 25 d’entre eux d’ici 2020.
Une région en particulier est en train de faire le bonheur des investisseurs, le Yunnan. Selon Li Lianju, membre du ministère des Terres et Ressources, “entre 2010 et 2020, encore 500 tonnes d’or et 200 milliards de m3 de gaz non-conventionnel devraient être produits [dans cette région]“.
Le plus intéressant pour nous, c’est que les investissements étrangers commencent à être les bienvenus dans les mines chinoises. Certains noms d’autres contrées sont en train d’émerger dans le secteur minier. Ainsi le canadien Asia Now Resources a fait une entrée remarquée dans les mines d’or. Vous pouvez retrouver la cotation de cette petite minière sur le Toronto Stock Exchange.
Le transport connectera l’ouest à l’est

Enfin, rien ne sera possible sans un solide réseau de transport. Ni la construction ni l’exploitation minière ne décolleront sans être reliées aux régions de la côte. Or les besoins sont gigantesques. Le plan de développement des régions de l’ouest couvre 6,85 millions de km2, ou 71% du territoire chinois !
Les premiers programmes d’infrastructures doivent s’étendre jusqu’en 2015. Ainsi, 15 000 km de voies ferrées seront construites dans les régions de l’ouest d’ici cette date. Le secteur autoroutier devrait également prendre son essor, renforçant la demande d’acier.
Mon conseil

Comme le résumait début juillet le Financial Times, “la plupart des officiels et des investisseurs sont convaincus que le pays a besoin d’injecter d’importants capitaux, notamment dans les routes, les aéroports, les usines et les logements”.
La différence avec les 10 ans d’investissement que nous venons de vivre, c’est que le gouvernement chinois ne veut pas reproduire les mêmes gaspillages. Ce n’est pas un hasard si le pont de Qingdao est devenu un des symboles de ce galvaudage. Pont le plus long du monde, il est également un des moins fréquentés. Et pourtant Qingdao est une ville côtière.
© DR
Photo du pont de Qingdao
Ainsi, le développement de l’ouest chinois devrait soutenir la demande en matières premières, mais à un rythme moindre que ces 10 dernières années. Les autorités devraient davantage contrôler les investissements. Et les compagnies s’y préparent.
General Steel sait bien que la période d’euphorie des 10 dernières années est finie. Comme me l’explique John Chen, “si les volumes sont toujours là, les marges se sont réduites“. C’est pour cela que la principale préoccupation de la compagnie dans les prochains mois sera de “continuer à réduire ses coûts de production“.
Avec le rebond de l’acier attendu, General Steel pourrait représenter un pari intéressant.
source : publications-agora.fr/

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